NOUS ? – 7 Avril 2012

LIBÂRTÉ! LIBÂRTÉ!

Lorsque j’ai entendu ces cris, lors d’une manifestation en soutien à une radio de
Québec, le 22 juillet 2004, j’ai senti que nous glissions vers une confusion grave des genres, entretenue par la droite.
Ce cri, LIBERTÉ, appartient depuis des millénaires aux opprimés, aux sans culottes, aux esclaves, aux exploités, aux prisonniers d’opinion, aux damnés de la terre !
Comment pouvait-il se retrouver dans la bouche de gens qui se portaient à la
défense de salisseurs d’idées, de bouffeurs de réputations ; de parvenus de la
démolition systématique des acquis d’une révolution à peine accomplie ?
Le JE, ME, MOI, porté aux nues par cette foule pouvait-il être le fruit du seul «refus
global» d’une société en quête de son NOUS depuis la défaite de 1759 ? Ce cri
pouvait-il s’adresser à la discussion interminable entre le Canada et le Québec ?
Genre : «Crissez-MOI la paix !» ? N’était-ce qu’un «bouton» sur la face cachée d’une tranquille révolution ?
LIBÂRTÉ ! Alors que certains d’entre nous chantaient «Libérez-nous des libéraux»,
d’autres nous criaient «Libérez-MOI» du NOUS que nous étions encore à construire…
Libérez-MOI des impôts ; libérez-MOI du salon du peuple ; libérez-MOI de la
politique. Laissez-MOI lancer de la merde sur tout ce qui ne me plaît pas ; laissez-
MOI vivre dans l’arrogance, la violence planifiée d’un capitalisme confortable ;
laissez-MOI être insensible à la misère des autres ; laissez-MOI cracher sur les faibles, les immigrants, les fonctionnaires, les syndiqués, les intellectuels ; laissez-MOI remettre les femmes à leur place ; laissez-MOI emplir leurs corsages de silicone et leurs têtes de frivolité. Laissez mes enfants aduler des sportifs incultes et millionnaires. Donnez-MOI du pain, des jeux et du sexe, puis

F O U T E Z – M O I L A P A I X ! L I B A R T É !!!

NOUS avons soulevé un sourcil, jeté un regard étonné et avons lentement détourné la tête… Pourtant ! Pourtant ! D’autres MOI se sont regroupées, jusqu’à former le Réseau Liberté Québec. Rien de moins ! Confusion des genres ! Comment comprendre cette quête de liberté diamétralement opposée au collectif? Comment faire focus sur cet embrouillement ? De quelle liberté se réclame-t-on à droite comme à gauche ? À qui la confusion profite-t-elle ?
Délibérément, le tenants du capitalisme triomphant détruisent le sens des mots qui ont forgé la base de la démocratie : LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ.
La liberté devient celle de MES droits : MON droit de dire n’importe quoi ; MON droit à assister à MON cours ; MON droit à une équipe de sport dans MA ville ; MON droit à ne pas contribuer à la caisse commune car MOI je ne suis pas malade, je n’ai pas d’enfants, je n’utilise pas VOS services publics.
«MOI MON PÈRE EST RICHE !» Et je compte bien l’être aussi !
MOI, MOI, MOI !
L’égalité devient «chacun doit faire sa juste part», mais pas sa part juste d’impôts !
Fais ta part ! Par la consommation individuelle, par la hausse des droits de scolarité, par une taxe santé, par l’utilisateur-payeur, par, par, par. Fini la citoyenneté ! Fini l’égalité des chances ! Au plus fort la poche !!! Place aux forts, aux riches, aux bellâtres, aux grandes gueules ! Vivement une grippe aviaire pour éliminer tous ces boomers qui m’empêchent de vivre depuis si longtemps ! Fermons nos frontières aux immigrants, ces emmerdeurs qui n’aiment pas MA cabane à sucre ! Tasse-toi mononcle !
La fraternité ? Ben… la fraternité c’est pour ceux qui comptent pour la même équipe que MOI ! C’est pour MES amis Facebook ; c’est pour ceux qui prennent la même bière que MOI, vont au même resto et, surtout, pensent comme MOI et l’écrivent sur MON blogue!

ET NOUS ? Que répondons-nous à cette dérive? Que mettons-nous sur la table, dans la rue, pour opposer une vision révolutionnaire, démocratique, progressiste à cette attaque aux droits fondamentaux de la démocratie ?


NOUS RÉPONDONS FRATERNITÉ !
Avons-nous honte d’affirmer que nous devons être solidaires des uns, en soutien aux autres ? NOUS voulons un Québec libre, mais sommes-nous ouverts à ceux dont les ancêtres n’ont pas connu la défaite sur les Plaines d’Abraham ? NOUS portons l’idée d’une fraternité qui cherche à construire un monde meilleur, ici comme sur toute la planète. NOUS marchons avec ceux et celles qui vont dans la même direction, même s’ils n’ont pas la même langue, la même culture, la même couleur de peau, la même orientation sexuelle, la même religion, les mêmes idées… NOUS misons sur une fraternité permettant d’atteindre l’égalité, la liberté et à les maintenir. Une fraternité qui offre soutien mutuel, coopération, solidarité plutôt que compétition, exploitation, exclusion.


NOUS RÉPONDONS ÉGALITÉ !
Avons-nous honte de dire haut et fort que nous sommes tous égaux ? ÉGAUX, pas IDENTIQUES ! Égaux dans le possible qui s’ouvre à nous. Égaux dans le regard des autres comme dans celui de notre justice collective. Égaux en droits, dans la file à l’épicerie comme dans l’attribution d’un contrat. Égaux, brisant l’hérédité de pouvoirs, offrant les meilleurs soins disponibles à tous. ÉGAUX devant l’instruction !
ÉGAUX dans la syndicalisation ! ÉGAUX à la Rousseau : « [que] nul citoyen ne soit assez opulent pour en pouvoir acheter un autre, et nul assez pauvre pour être contraint de se vendre. »


NOUS RÉPONDONS LIBERTÉ !
Avons-nous honte de défendre l’État que nous avons construit ? Un état avec des fonctionnaires, des enseignants, des soignants ? Un état qui a un coût. Un état où chacun doit faire sa part en contribuant selon ses moyens. Bien sûr la liberté apporte une jouissance individuelle ; oui la liberté crée MES droits. Mais la liberté elle-même ne peut être créée par UN individu ; elle se fonde sur le collectif, par le collectif, pour le collectif, somme d’individus. Sortons de cette confusion où certains opposent les droits individuels aux droits collectifs. Si un individu peut faire reconnaître SON droit à assister à un cours d’anthropologie, c’est parce que COLLECTIVEMENT NOUS avons permis l’existence de ce cours. Et ce cours nous ne l’avons pas offert à UN individu,nous l’avons offert à la collectivité. Si après débat et vote, ces individus suspendent démocratiquement ce cours, le collectif l’emporte sur l’individuel.
La LIBERTÉ nous permet de créer le périmètre collectif dans lequel s’épanouiront les droits individuels. Jamais l’inverse !
MES droits s’arrêtent aux pieds de ceux des autres individus et ils n’existent que par la volonté commune de les voir naître, de les faire respecter, de les multiplier !


LIBERTÉ n’est pas LIBÂRTÉ !


NOUS ?
Droits et démocratie ; parole et action ; citoyenneté et solidarité ; fraternité et
sororité ; égalité et respect. Liberté et responsabilité.


NOUS ?
Quelques mots à mettre en ordre ; à décliner à la première personne du singulier
comme du pluriel.


NOUS ?
C’est tout. Tout simplement. LUI, TOI, ELLE, MOI ; c’est NOUS. Sans restriction, sans
réserve, sans limite.


NOUS ? C’est NOUS !


Louis Roy, Président de la CSN. 7 avril 2012

Pour voir la vidéo: https://fb.watch/CdbetL7B75/

Merci à Brigitte Haentjens, Sébastien Ricard, Pierre-Laval Pineault et tous les autres qui ont permis ces 12 heures d’expressions publiques pour mieux saisir ce qu’est le NOUS québécois.

C’est la guerre, Monsieur Louis!

Chapitre 1

15 septembre

Ensoleillé et chaud

Je n’aurais jamais cru qu’il y aurait la guerre ici. Dans mon pays, dans ma ville… Bien sûr, tous mes ancêtres ont un jour connu la guerre. Et qui pouvait se penser à l’abri d’une telle éventualité ? Nous, moi. Sincèrement, j’y ai cru. Je vis dans un pays où rien ne laissait penser que cela arriverait un jour.

Puis, ce matin, en me rendant au travail, je me suis retrouvé en zone militaire. Brusquement, les armes sont devenues la norme, portées par des soldats qui auraient pu être mes fils. Comme ça! D’un claquement de doigts, je me suis réveillé avec la plupart de mes droits suspendus et mes illusions détruites. Moi qui ai toujours défendu les droits de l’homme et apporté mon soutien aux personnes maltraitées de la planète, me voici désormais de l’autre côté de la barricade. C’est à croire que, demain, je vais recevoir des lettres d’appui d’Amnisty International.

Depuis des années, je tiens un journal quotidien. Plus pour des banalités qu’autre chose. Pluie abondante, mais temps chaud ; tempête de neige et blizzard insoutenable. Parfois, quelques événements méritaient d’être soulignés : la mort du président du conseil, la nouvelle fin de la guerre en Afghanistan, le séisme en Haïti. Mais disons que, depuis cinq ans, c’est plus la météo qui fait la une quotidienne de mon journal. Aujourd’hui, j’en ai déjà mal aux doigts, mais c’est un jour mémorable et je ne veux rien en oublier.

Ce matin je ne filais pas. J’ai mal dormi car j’ai encore rêvé à ma mère… Mal de tête et lourdeur générale. Et puis mon journal n’a pas été livré, ce qui me rend toujours marabout… Comme je me suis levé en retard, je n’ai pas ouvert la radio et je suis parti rapidement vers le métro. C’est en traversant la rue vers la bouche du métro que je me suis rendu compte que quelque chose était différent. D’abord, deux soldats armés s’y tenaient à l’entrée, l’air plutôt tendu. Bon, ça arrive quelquefois que des policiers se tiennent là avec le même regard fouineur. C’est arrivé au printemps dernier, lorsque les étudiants se sont mis en grève contre je ne me souviens plus quoi. Mais des soldats casqués ? Puis, un petit attroupement devant les panneaux d’information a aussi attiré mon attention. Mais comme j’étais en retard, je me suis engouffré dans la station.

Là aussi, quelques soldats se tenaient sur le quai, mais l’air plus détendu. Et puis la rame est arrivée presque en même temps que moi, alors j’y suis monté dans le flot habituel de gens hagards. C’est lorsque les portes se sont fermées que tout a changé. Automatiquement, les gens se sont mis à parler entre eux. Je ne comprenais rien à ce qu’ils disaient. Ils parlaient de soldats sur les ponts, dans les rues, protégeant les banques et l’hôtel de ville.

Puis le silence dès que les portes se sont ouvertes à la station suivante. Reprise des discussions incompréhensibles jusqu’à l’arrêt suivant. Là, un soldat est monté dans notre wagon et s’est installé juste devant moi. Jamais le silence du métro ne m’avait paru aussi assourdissant. Il me regardait comme si je n’existais pas ; un regard panoramique aux yeux fixés au travers de ma tête. Je n’osais ni regarder ailleurs, ni baisser les yeux. Un petit drapeau cousu sur son épaule me rassurait quand même. Je ne suis pas du genre patriote, mais voir le symbole de mon pays sur cet uniforme était à la fois rassurant et à la fois curieux. C’est surtout sa mitraillette qui était bizarre dans cet espace restreint et surchauffé.

À la station suivante, dans le va-et-vient des entrées et des sorties, je me suis rendu compte qu’il y avait un soldat par wagon et qu’ils se regardaient sans rien laisser paraître. Le départ de la rame a ramené le regard du soldat devant lui, juste dans mes yeux. Et là j’ai vu que nous n’étions pas du même côté des choses. Son regard absent, mais intense créait la distance psychologique entre un chasseur et sa cible. J’en ai frémi. Je suis descendu à la station suivante, bien que ce ne soit pas celle où je devais le faire. Même scénario : soldats sur le quai et à la bouche du métro. Pire, une Jeep de l’armée était stationnée devant la ligne des autobus qui semblait s’étirer jusqu’au coin de la rue précédente avec une foule de gens en attente d’y monter.

Je partis vers le bureau sur un trottoir curieusement désert. Je me forçai de fixer le bâtiment tout en marchant. Mes yeux enregistraient plusieurs anomalies du décor urbain qui semblait s’être transformé pendant la nuit. Plusieurs véhicules militaires stationnaient ici et là, mais aucune auto de police n’était visible. Plus j’approchais du bureau, plus je voyais un barrage remplir mon champ de vision. Mon cerveau refusait de croire ce qui se dessinait à contre-jour à côté de ce barrage. Un tank ! Petit certes, mais un tank quand même !

Je rejoignis une courte file devant le barrage. Devant moi, une secrétaire fouillait dans son sac à main. Je lui demandai ce qui se passait et elle se tourna vers moi avec un tel regard que je me tus, comme pris en défaut. Nous avancions lentement, en silence, résignés déjà…

 Le soldat me demanda mes papiers. Devant mon immobilité, mon incrédulité, il répéta sa question en ajoutant «votre carte d’identité». Cela déclencha en moi un réflexe conditionné et je sortis la carte avec photo que l’employeur avait fait confectionner il y a un an. Une belle carte plastifiée avec puce électronique, code illisible, photo couleur, titre d’emploi, service et coordonnées personnelles. Le soldat la regarda, la plaça sous un rayon rouge et regarda un écran avec attention et me dit de me diriger vers la porte de droite.

Il y aura bientôt vingt ans que je travaille à l’hôtel de ville comme ingénieur aux travaux publics. Jamais je n’avais dû m’identifier autrement que par un salut au gardien de sécurité qui n’en avait que le nom. Ce pauvre Aimé semblait tellement incongru dans son costume ! Lui, si aimable et affable, jurait encore plus ce matin aux côtés de ces soldats qui vérifiaient à nouveau nos identités. Il m’a fait un sourire et m’a souhaité le bonjour, mais le regard méprisant de l’officier qui tenait ma carte suffit à le figer dans une pose qui ne lui allait pas du tout. Aimé ayant confirmé que je travaillais ici, l’officier me rendit ma carte et me dit de me rendre directement à mon bureau, tandis qu’un soldat cochait mon nom sur une liste presque vierge.

Je pris les escaliers comme d’habitude, histoire de réfléchir à ce qui se passait. Mais rien, je ne comprenais rien ! Une alerte à la bombe ? Des anarchistes ayant fait des menaces ? Des terroristes ayant attaqué nos institutions ? Je me maudissais de m’être levé si tard et de ne pas avoir ouvert la radio. Rendu à mon bureau, je me rendis compte que nous n’étions que deux, mon chef de division et moi. Il se précipita sur moi, me serra la main et je crus qu’il allait me prendre dans ses bras. Il m’expliqua qu’il avait été réveillé en pleine nuit par deux soldats qui avaient cogné à sa porte et qu’ils lui avaient dit qu’ils devaient l’amener au bureau pour une question de sécurité nationale. Pas de réponses à ses questions et il est là depuis quatre heures du matin! Comme je commence mes journées entre 6h30 et 7h00, j’étais le premier être humain, à l’exception des soldats, qu’il voyait depuis lors et il voulait que je lui explique ce qui se passait. Il fut passablement déçu de comprendre que je ne savais rien. Lui-même avait essayé d’ouvrir la radio qui trônait sur son bureau, mais aucune fréquence ne semblait fonctionner. Les téléphones ne donnaient même pas signe de vie, même chose pour la télé de la salle de réunion. Nous étions donc dans le noir complet.

Peu à peu, les membres de mon équipe de travail arrivèrent, ne rendant notre incompréhension que plus lourde à porter. La seule information nouvelle consistait en la présence de soldats sur chaque étage, à chaque escalier. Vers 9 heures, l’interphone grésilla, crachota, avant de nous livrer un message monotone nous invitant à ouvrir la radio ou la télé à 10 heures précises et que d’ici là nous devions demeurer dans nos bureaux.

J’avoue que je croyais que c’était un exercice spécial, comme pour une insurrection armée. Mais je ne comprenais pas l’immobilisme et l’absence d’information qui l’accompagnait. Je tuai le temps à regarder les plans d’une réfection de trottoirs dont je venais de recevoir les soumissions. C’est drôle, comme certains détails s’incrustent parfois dans nos cerveaux lorsque nous ne sommes pas dans notre environnement habituel. Ainsi, je me souviens très bien m’être dit que je ne comprenais pas pourquoi nous avions demandé une telle épaisseur de ciment pour ces trottoirs. On aurait dit que nous voulions y faire rouler des chars d’assaut ! Cette pensée a occulté tout le reste de mon analyse. Si bien que, ce soir, je ne me souviens même plus dans quel quartier ces satanés trottoirs sont-ils prévus…

10 heures. Nous étions devant le poste de télé qui sert pour les vidéoconférences. C’est un poste immense avec une qualité d’image permettant d’insérer une vingtaine de visages de participants, tout en laissant la place pour voir la table de travail principale du bureau où se tient la conférence. Un seul visage. Gros. Pas maquillé. Chaque bouton et même poil mal rasé perce l’écran et rend le visionnement désagréable. Mais les mots prononcés étaient encore plus dérangeants. Trois minutes de mots enfilés sur du barbelé, pour nous dire que notre pays avait rendu les armes devant l’armée de nos voisins et qu’à partir de maintenant, nous étions des citoyens d’un autre pays. D’autres informations suivraient.

Nous sommes restés là à attendre que la laideur revienne nous dire que c’était une blague. Mais plus rien. Jusqu’à ce que l’interphone vienne crachoter que nous devions poursuivre le travail jusqu’à l’heure du déjeuner et que nous pourrions par la suite retourner chez nous. Nous devions revenir au bureau le lendemain à l’heure habituelle. Même là, nous sommes restés figés, glacés. C’est Myrna, la secrétaire, qui brisa le silence de sa voix sourde : «Cout’donc, c’est quoi la joke ?». Faut dire que Myrna ne fait pas dans le langage guindé qui est la marque de commerce de l’hôtel de ville. Ses origines villageoises et plutôt anglos lui donnent une couleur qui fait du bien la plupart du temps.  Mais ce matin sa phrase fut tout aussi incompréhensible que le reste. Nous avons tous tourné la tête vers elle, comme des veaux que le train intéresse soudainement. Le silence qui suivit fut presque gênant. Puis, tout d’un coup, tout le monde se mit à parler en même temps. Une cacophonie salvatrice qui ne régla rien, mais nous fit le plus grand bien. La conversation s’organisa tout doucement. Tout d’abord, les questions, puis les suppositions. Puis la compréhension, la résignation et le silence. Si bien qu’à treize heures nous sommes tous sortis à la queue leu leu, sans nous saluer, et avons regagné nos foyers, en silence, j’imagine.

Curieusement, revenir à la maison pour le déjeuner me créa presque autant de désagrément que toute l’avant-midi. J’avais prévu de dîner au restaurant ce soir-là avec un des entrepreneurs soumissionnaires pour les trottoirs et je mangeais tous les midis à la cafétéria du bureau. Donc, je n’avais rien prévu pour le repas du midi. Je m’inquiétais que les épiceries soient fermées si je ressortais de chez moi. Je fouillai dans l’armoire et trouvai une boîte de cassoulet qui aurait pu nourrir quatre personnes. Du cassoulet ! Le midi ! Je regardai dans l’armoire de la chambre et trouvai une bouteille de Cahors achetée cet été en vacances. C’est ce qui me décida à faire chauffer le cassoulet plutôt qu’à descendre à la cave pour choisir autre chose ; je ne voulais pas faire ressurgir les mauvais rêves de la nuit précédente…

Un seul poste de radio diffusait de la musique classique. Je m’y accrochai, espérant qu’un lecteur de nouvelles viendrait briser ces portées parfaites pour m’expliquer enfin ce qui se passait. En vain. C’est le cassoulet et le vin qui eurent raison de moi et je m’endormis sur le sofa. Je rêvais qu’on m’enrôlait dans l’armée pour défendre la démocratie. J’étais dans une tranchée, à côté d’une montagne de conserves aux étiquettes rouges. Puis quelqu’un me poussait du coude et me demandait si je faisais partie de la résistance contre ceux qui gouvernaient mon pays. Je le regardais bêtement alors qu’il me posait sans cesse la question « Pourquoi ? », « Pourquoi ? »… Je me réveillai en sursaut au moment même où quelqu’un remplaçait la musique à la radio et expliquait pourquoi nous devions faire ceci, pourquoi nous devons éviter de faire ça, pourquoi nous devons soutenir notre gouvernement et bla et bla… Par réflexe, je me suis précipité sur la télé.

J’ai raté le début de l’allocution, mais je crois comprendre que nos voisins ont obtenu la reddition de notre pays sans coup férir. Sans même que leur armée mette le pied chez nous ! Une guerre diplomatique. Une guerre virtuelle. Une guerre de jeu vidéo ! Une invasion contrôlée à distance, par la parole plutôt que par le geste.

On nous assure que la vie reprendra normalement demain matin. Que notre armée veille à ce qu’il n’y ait pas de dérapage. Que les policiers reprendront le service normalement et que notre premier ministre s’adressera à nous demain soir à la télé.

Je ne sais ce qui m’embrouille le plus, le cassoulet et le Cahors ou ces informations incompréhensibles…

Chapitre 2

17 septembre

Ensoleillé, passages nuageux, mais toujours chaud.

Hier soir j’étais tellement sous le choc que je suis resté assis devant la télé bien après que la diffusion se fut arrêtée. Il y a deux jours, j’ai griffonné plus de pages de mon journal que je ne l’avais fait depuis le début de l’année ; hier je n’y ai pas touché…

Même maintenant, je ne sais pas quoi écrire. Je vais y aller chronologiquement, ça devrait être plus facile…

Hier matin, je me suis rendu au boulot comme d’habitude. Les contrôles se sont accrus et j’ai dû montrer ma carte plus d’une fois. En sortant du café où j’étais allé petit-déjeuner, j’ai rencontré Abdel, le fromager. Il m’a jeté un de ses petits regards par en dessous avant de me dire «C’est la guerre, monsieur Louis!». Avant, ces regards précédaient une bonne blague, mais là… Ça m’a donné un coup. Je crois que c’est à ce moment-là que j’ai vraiment réalisé ce qui se passait. Abdel, il est maghrébin et il a connu des guerres dans son pays. J’ai tout de suite vu, à son air entendu, qu’il en avait l’habitude si on peut dire. Je veux dire que tout son être semblait vivre quelque chose de connu. Il semblait plus petit malgré son mètre quatre-vingt, plus anonyme, plus adapté à la situation que n’importe qui d’autre.

Tout le contraire de Myrna. On aurait dit que la situation actuelle la révélait sous un autre jour, mettait la lumière de scène sur elle. Elle toujours polie, serviable sans être soumise, agréable sans être fendante, elle était totalement extrovertie aujourd’hui. Je l’ai vue jeter des regards frondeurs aux soldats. Je l’ai entendue crier au patron qu’il devrait s’insurger et ne pas collaborer. Elle nous a laissés entendre toute la journée que tout ça n’avait pas de sens et qu’on nous mentait. Vous auriez dû l’entendre, après que l’interphone nous ait encore une fois seriné que le travail se poursuivait comme d’habitude, nous lancer «Et n’oubliez pas de mettre votre cou sur la bûche avant de partir !».

C’est drôle quand même. Ça fait au moins sept ans que Myrna travaille avec nous et je ne l’avais jamais vraiment remarquée. Une grande fille dans la trentaine aux longs cheveux presque roux. Un visage et un corps qu’on ne remarque pas, mais qu’on sent ferme, presque viril. Une fermière, plus qu’une secrétaire. Jamais de talons hauts, de corsages suggestifs, de maquillage outrageant, de bijoux blingbling. Une camarade de travail, tout simplement. Puis, du jour au lendemain, la voilà qui attire les regards de tout le monde. Elle dégage une énergie qu’on ne lui connaissait pas. J’ai même cru remarquer du fard sur ses joues et elle portait fièrement des boucles d’oreilles avec un poing fermé dans un cercle d’argent que ses cheveux en chignon mettaient en vedette.

Toujours est-il qu’on a passé une bizarre de journée. Quelques commentaires autour de la machine à café. Mais dès qu’une troisième personne se mêle à la conversation, on en revient aux banalités habituelles. Sauf lorsque Myrna arrive, ce qui a comme effet de vider la pièce rapidement.

Je suis revenu à la maison après avoir fait mes courses chez les marchands du quartier. Là aussi, peu de commentaires sur ce qui se passe. Ça m’étonne. D’habitude on y discute de sport et de politique avec entrain. Les seuls commentaires visaient le discours tant attendu dans la soirée. «Pour une fois tout le monde va l’écouter celui-là !». «Il va nous faire comprendre ce qui se passe. Il est tellement bon !». «Ce pourri va nous expliquer pourquoi nous en sommes là !». Quelques phrases assassines ou d’espoir. C’est tout. Et encore, là aussi le nombre de personnes dans la boutique avait un effet remarquable sur les commentaires. Plus on était nombreux, moins ça parlait !

… à suivre.

Loi 15 prise 2 : Santé Québec, un triumvirat impotent !

On apprenait, lundi, le 29 avril 2024, qui seraient les «top guns» qui dirigeraient la nouvelle entité Santé Québec. Avec le ministre Christian Dubé, ils formeront le triumvirat sur lequel le gouvernement compte pour que nos services de santé et de services sociaux redeviennent une fierté nationale. Le pari est énorme! Après quarante années de gestion comptable de nos services publics, ceux-ci sont exsangues et les personnels épuisés, désabusés et désertent ce qui est devenu un chaos pratiquement invivable au quotidien. Entre 1983, avec les récupérations des salaires par le gouvernement péquiste de René Lévesque, et 2014, avec la nomination de Gaétan Barrette comme ministre de la Santé, les réformes de structures imposées au réseau l’ont rendu inefficace et les compressions austères l’ont étouffé. En 1996, le départ fortement incité de dizaines de milliers de travailleuses du réseau par le gouvernement de Lucien Bouchard, sous prétexte de déficit zéro, a mené à des pénuries structurelles de personnel et à une perte d’expertise précipitée. Aujourd’hui, 11% des infirmières travaillent au privé et la presque totalité des médecins sont toujours des entrepreneurs privés, offrant des services dans le réseau public remboursés par la RAMQ. Les dépenses strictement privées, elles, non remboursées par la cagnotte collective de la RAMQ, représentent 30% de toutes les dépenses de santé de la population.

Tout un pari…

Si je prends la peine de rappeler ces quelques éléments factuels, c’est pour qu’on réalise que «refonder» le réseau ne peut se faire en niant le passé et encore moins la réalité actuelle du réseau. En créant Santé Québec, concentrant l’administration du réseau en une seule «entité légale», le ministre fait le pari qu’une seule bonne administration peut remplacer toutes les autres, plus locales, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. C’est pourquoi il nous parle depuis des mois des «top guns» du privé qu’il voulait recruter, au point d’en donner le nom à sa cuvée de sirop d’érable de l’année.

Un paradoxe à prouver

Un ministre, deux «top guns»; un triumvirat administratif sensé tracer la voie à une meilleure accessibilité à des services de qualité, à une coordination accrue de l’offre de services et à un rapprochement des communautés des décisions s’y rattachant. Le tout en créant un seul employeur pour toutes les personnes œuvrant dans le réseau. Se concentrer pour mieux se décentraliser, un paradoxe qui demande à être prouvé…

Le fameux triumvirat

Mais revenons sur ce fameux triumvirat. D’abord, parlons du ministre, bien que ce poste soit d’une certaine façon éjectable et que rien ne garantit qu’il soit occupé par M. Dubé lorsque l’agence Santé Québec prendra ses premières véritables décisions ayant un impact sur les services. Quoiqu’il en soit, M.Dubé n’avait, lors de sa nomination, aucune expérience du réseau. Certains y voient un avantage, d’autres un handicap. Cette « incompétence », doublée d’un énorme préjugé favorable au secteur privé, a sans doute poussé le ministre à mettre en place cet «Hydro-Québec de la santé», rempart entre lui et le réseau, entre lui et l’Assemblée nationale. Il faut croire que l’incompréhensible organigramme de son ministère ne l’a pas rassuré sur la capacité de «shaker les colonnes du temple», comme il aime le répéter. Malgré un profil de gestionnaire plutôt effacé, il a réussi à se doter d’un capital de sympathie publique lors du dénouement de la crise de la Covid-19. Qu’un ministre de la santé ne provienne pas du réseau n’est pas une tare en soi. D’autant que les ministres l’ayant précédé depuis vingt ans, tous médecins ou gestionnaires du réseau, n’ont pas réussi à faire la preuve que leur expertise faisait en sorte de les prédisposer à améliorer les services à la population… Cependant, cette carence doit être comblée par l’entourage du ministre, ce qui, normalement, est le lot de sous-ministres provenant du côté administratif ou médical du réseau.

Quant à la première PDG de Santé Québec, Geneviève Biron, son parcours professionnel est on ne peut plus clair. Elle est l’héritière d’un empire qui s’est taillé une place en concurrençant le secteur public et en offrant des services privés dits complémentaires, mais en fait compétitifs au réseau. Les Laboratoires Biron, fondés il y a 70 ans, se sont mis en place avant le réseau public de santé et ont ensuite profité des carences de celui-ci pour se tailler une place grandissante au fur et à mesure que le réseau manquait de ressources pour offrir à la population des services rapidement accessibles et à la fine pointe de la technologie. On peut dire, en exagérant à peine, que plus les listes d’attentes à des services de première ligne augmentaient, plus ce genre d’entreprise voyait sa part de marché augmenter. Évidemment, on ne peut préjuger des qualités d’administratrice de Mme Biron, mais c’est aussi évident que son passé ne peut qu’inquiéter les tenants des services publics en cette période difficile et nébuleuse quant au rôle concret de Santé Québec sur la reddition de service. Disons, poliment, que sa prestation médiatique suite à sa nomination, n’a pas fait osciller l’aiguille de l’échelle Richter…

Le numéro deux de Santé Québec est, au contraire, bien implanté dans le réseau depuis plusieurs années. M. Frédéric Abergel a occupé plusieurs postes de gestion dans le réseau, trop selon plusieurs… En un peu plus de 25 ans de carrière, M. Abergel a occupé pas moins de dix postes différents dans le réseau, avec un très court passage chez Bell Canada et un autre dans une firme-conseil qui a fait son beurre avec les différentes réformes du réseau. Dans le réseau, sa moyenne au bâton est d’environ trois ans par poste occupé. Certains parlent d’ascension, d’autres d’inconstance… Toujours est-il que dans le milieu de la santé, «personne n’a pleuré son départ» à chacun de ces postes. J’ai beau faire aller mes antennes, personne ne m’a parlé d’un leader charismatique; même pas d’un leader en fait… Il n’avait jamais été qualifié de «top gun» auparavant, mais qui sait, une fois au sommet peut-être que la fonction créera l’organe comme dirait Darwin…

Des doutes

J’ai de sérieux doute sur la volonté réelle du gouvernement d’améliorer les services publics de santé et de services sociaux. La vision néolibérale des ténors de la CAQ laisse plutôt à penser que pour eux la solution est au privé. L’agence elle-même est une forme de privatisation ou, du moins, une mise en parallèle avec la gestion publique du MSSS. Et une agence, ça se privatise en un claquement de doigts! Beaucoup plus facilement que des centaines d’établissements éparpillés sur le territoire du Québec. Si le gouvernement avait vraiment eu la volonté d’impliquer les «top guns» du réseau dans Santé Québec, il y aurait fallu mettre les employées en synergie tout au haut de la pyramide. Il est impensable de réformer le réseau et d’en augmenter la part publique sans que les médecins soient associés à l’aventure. On aura beau les critiquer pour leur vision parfois étroite ou marchande, il n’en demeure pas moins qu’ils sont, actuellement, l’épine dorsale des services de santé. S’ils ne s’impliquent pas plus dans un réseau public de santé, il n’y en aura pas! Tout comme si on exclut toutes les catégories de personnels de l’organisation et de l’orientation des services, on ne récoltera que le chaos, comme celui créé par les deux dernières réformes ministérielles de Couillard et Barrette. Et si l’objectif est de créer un réseau en synergie santé-social, on ne peut en exclure les intervenantes sociales. Tout comme si on veut parler de prévention, on ne peut exclure les populations locales et les groupes communautaires impliqués dans l’amélioration des conditions de vie de la population!

Mais voilà, l’agence ne s’appelle que Santé Québec… Rien pour le social, rien pour l’amélioration des conditions de vie. Un réseau de services publics en santé globale, incluant donc le social et l’environnement, est un projet de société en soi. Le ministre Dubé ne nous en rapproche pas. Peut-être même nous en éloigne-t-il…

Louis Roy

Une autre réforme de la santé au Québec? Triste, très triste…

Projet de loi 15 : Je suis triste pour le ministre…

Eh oui, je suis triste pour le ministre Christian Dubé, mais pas seulement pour lui. Je pense d’abord aux milliers de travailleuses[1] du réseau de la santé et des services sociaux qui, après avoir été des anges gardiennes pendant la pandémie, se voient aujourd’hui exclues des nécessaires modifications à apporter à ce réseau si mal aimé par plusieurs des précédents gouvernements.

Je suis triste aussi pour les médecins qui se voient toujours accusés de nuire à la flexibilité des soins. Même si souvent, leur appétit pécuniaire et l’organisation de leur travail nuisent au concept d’équipe multidisciplinaire, les accuser, les culpabiliser ne me semble pas le meilleur moyen de les faire participer à la mise en place de solutions qui, de toute façon, nécessitera leur participation et idéalement leur adhésion aux solutions mises de l’avant.

Je suis surtout triste pour les usagères des services publics et la population du Québec qui voit sans cesse des apprentis sorciers promettre sans résultats, l’accès à des services de proximité, facilement accessibles et de qualité, partout sur le très grand territoire du Québec.

Je suis triste parce que j’ai toujours été critique de l’organisation du travail et de la bureaucratie de ce réseau à qui j’ai consacré l’essentiel de ma vie. Je suis triste parce qu’avec d’autres nous avons proposé de multiples solutions pour améliorer à la fois les conditions de vie au travail de celles qui y œuvrent et à la fois la reddition des services. Chaque fois, on nous a répondu par des notions mécaniques d’efficience, de réductions de coûts et de personnel (pour le déficit zéro…),  de réformes organisationnelles des établissements et même par des transformations majeures des structures syndicales, ce qui ne devrait pas appartenir à un gouvernement employeur.

Je suis d’autant plus triste que le ministre Christian Dubé s’était attiré un capital public de sympathie par son air débonnaire, quoique déterminé. Contrairement à plusieurs ministres avant lui, M. Dubé aurait pu utiliser cette force politique pour amener les parties prenantes du réseau à s’asseoir et à véritablement chercher à guérir les maux qui affligent ces services si essentiels. Quoi qu’on en  dise, nous étions toutes prêtes à revoir les façons de faire pour y trouver une satisfaction au travail et des services publics améliorés autant du côté humain que du côté efficacité.

Mais voilà, le ministre a plutôt choisi d’écouter ceux qui pensent qu’il suffit de donner un autre coup de pied dans la fourmilière pour que tout se réorganise selon leur bon vouloir. La dernière réforme a transformé les travailleuses en numéros, voilà qu’on veut les transformer en fourmis, surveillées par des tableaux de bord informatisés, mis à jour aux deux heures et analysés par une intelligence artificielle sans âme.

Même si le ministre prétend le contraire, nous allons assister à une centralisation accrue de la gestion du personnel et de leurs organisations syndicales. Avoir des administrations imputables dans chaque installation, soumises à une entité provinciale,  ne constitue en rien un gage d’amélioration des conditions de vie au travail du personnel et ne donnera pas à la population des services mieux adaptés à ses besoins locaux.  L’organisation du travail et des services doivent relever des parties locales et celles-ci doivent avoir le pouvoir de s’entendre sur les façons de faire. Santé Québec et les quatre énormes syndicats, éventuellement créés par le projet de loi 15, seront à mille lieues des réalités des travailleuses et des populations locales et des nécessaires ajustements rapides à faire pour que tout le monde y trouve son compte.

Plusieurs sont tellement blasés par ces incessantes réformes de structure et une ouverture accrue à la privatisation des services, qu’ils les laisseront peut-être passer, haussant les épaules, en se disant que ça ne peut pas «être pire» que maintenant. Eh bien oui, ça peut être pire! Depuis la création du réseau public, certains s’acharnent à vouloir le privatiser, prétextant faussement que le privé fait mieux et à moindres coûts que le public. Un fantasme économique pourtant réduit à néant par les faits, dans tous les pays démocratiques.

Le gouvernement caquiste démontre constamment qu’il improvise des solutions aux problèmes de transport, d’immigration, d’éducation et de santé et ses prétentions viennent ensuite s’échouer sur les récifs de la réalité terrain. Pour le projet de loi 15, la commission parlementaire a permis d’identifier plusieurs obstacles prévisibles, grains de sable têtus qui feront s’enrayer les beaux rouages promis par le ministre. Que fera le ministre Dubé? Il a déclaré, inconsciemment, qu’il tiendrait compte de toutes les remarques, fussent-elles contradictoires…

Une chose est sûre, ce gouvernement d’entrepreneurs vise la privatisation d’une plus grande partie des services de santé, surtout les moins complexes (hanches, genoux, cataractes, etc.) et donc les plus rentables pour des cliniques décrochées du réseau public. Le ministre nous affirme pourtant le contraire, mais il continue à augmenter la place du privé sous prétexte qu’il vient «soutenir» le service public. Le développement des cliniques privées de «super-infirmières» en est la preuve alors que le secteur public peine à combler les postes d’infirmières-praticiennes spécialisées dans ses propres cliniques.

Le projet de loi 15 devrait être retiré et remplacé par de véritables états généraux de la santé, permettant à la population et aux actrices du réseau de reformuler le contrat social de nos services sociaux et de santé. Sans cela, nous voguerons encore longtemps, de réforme en réforme, vers des services inefficaces, de plus en plus privatisés, donnés par des travailleuses épuisées et mal rémunérées.

Triste, très triste…

Louis Roy


[1] Le féminin sera privilégié comme genre grammatical afin de faciliter la lecture.

Pourquoi fêter Noël?

Pourquoi fêter Noël?

Une grande bûche sculptée se consumait lentement au centre d’un cercle de pierres. Tout autour, on avait accroché aux arbustes des figurines de terre cuite, de petits animaux en bois coloré et des lanières de fourrure blanche; tout ce qui pouvait représenter le retour de la vie. En cette longue nuit froide de ce qui allait devenir décembre, les anciens célébraient le solstice d’hiver, le point de bascule qui allait ramener la lumière, la chaleur, le printemps, dans quelques lunes.

Les humains soulignent les solstices d’hiver et d’été depuis des millénaires. Au Sud comme au Nord, ce phénomène astronomique marque le début d’un changement dans la vie collective; les nuits raccourcissent et les jours commencent à allonger au Nord et l’inverse se produit au Sud. Les anciens vivaient très près des cycles de la terre et leurs vies étaient rythmées par le soleil, qu’ils adoraient parfois même comme un dieu. Je dis «anciens», mais cela était aussi vrai il y a à peine quelques centaines d’années.

Ce lien avec les rythmes de la nature a servi de guide à plusieurs religions pour y calquer les événements de leurs liturgies sur ceux déjà respectés par les peuples depuis des temps immémoriaux. Le capitalisme, à titre de «religion économique», ne fait pas exception! Pensons aux événements commerciaux liés à Pâques, à l’Halloween et bien sûr à Noël, pour ne citer que ceux-là. Associer la surconsommation à chaque fête populaire est devenu une confirmation du fort décalage entre l’origine de ces moments festifs et les foires commerciales qui, parfois même, déclassent et ternissent le lien entre les humains et l’environnement pour le remplacer par des valeurs qui semblent nous mener à notre perte collective. Nous sommes passés du respect des liens qui nous unissent à la terre, aux saisons, à celui de la fuite en avant vers le précipice où nous conduit cette économie polluante et mortifère.

Alors, pourquoi diable fêter Noël?

Nous ne savons pas encore si l’humanité est la seule espèce vivante, capable d’imaginer la vie sur d’autres planètes de l’Univers. Les avancées astronomiques laissent penser que des milliers d’exoplanètes, hors du système solaire, pourraient réunir des conditions physiques similaires à celles qui ont prévalu ici, sur terre, et qui ont mené à l’existence de l’humain tel que nous le connaissons aujourd’hui. Nous ne saurons peut-être jamais si cet espoir de ne pas être seuls dans l’Univers est réaliste, compte tenu des distances qui nous séparent de ces autres «terres»…

Mais ce que nous savons, c’est que nous sommes la seule espèce vivante, ici sur terre, capable de sublimer le quotidien pour s’inventer un monde et même le construire concrètement, fût-il virtuel. Sans tomber dans le spécisme et donner aux humains une valeur morale supérieure aux animaux, il n’en demeure pas moins que nous sommes les seuls à organiser notre environnement selon nos désirs; d’ailleurs, cette caractéristique humaine est celle qui a ouvert la porte à toutes les dérives environnementales et nous met même en danger comme espèce.

Par ailleurs, c’est cette même capacité qui favorise les arts, l’inventivité, le fantastique et le merveilleux. Des dessins des cavernes aux impressionnistes, de l’imitation d’un chant d’oiseau aux symphonies, d’un trait dans le sable aux poèmes, l’humanité sublime la pensée dans le partage de la beauté. C’est probablement cette même particularité humaine qui permettra aux prochaines générations d’inventer un monde meilleur, plus juste, plus équitable, en paix et de remettre l’économie à sa place, soit au service des collectivités plutôt qu’au seul profit de quelques-uns…

C’est cela qu’il faut fêter à Noël! Garder vivant l’imaginaire, le merveilleux! Voir les yeux des enfants briller devant un conte, une décoration, un cadeau, une ambiance chaleureuse; partager avec d’autres un repas, un bien, un sourire. Notre société est tellement individualiste, insensible pour les gens différents et si peu portée à soutenir les exclus, qu’il faut utiliser ces moments particuliers pour se rappeler que nous sommes aussi autres choses : des êtres pensants, certes, mais des êtres capables du meilleur, du fantastique, du solidaire, de la justice sociale. Des êtres capables d’affronter l’avenir avec intelligence et détermination, tout comme de vivre le présent dans la symbolique d’un sapin décoré, d’un vieux bonhomme et son traîneau tiré par des rennes volants (sans GES), en train de poser des guirlandes lumineuses pour rappeler que nous sommes maîtres d’illuminer notre avenir, plutôt que de retourner à la noirceur ayant précédé le Big Bang…

Joyeux Noël!

Un Roy est-il nécessairement un Roy? Quand génétique et généalogie divergent…

Le choc!

À l’été 2021, alors que je reposais mes yeux urbains en admirant les balbuzards plonger avidement dans la baie de Shippagan, j’ai reçu le résultat du test ADN pour les chromosomes Y que j’avais commandé chez FamilyTree quelques semaines plus tôt. On m’y classait dans une autre lignée que celle d’Antoine Roy dit Desjardins. Je crus d’abord à une erreur jusqu’au courriel de M. Denis Savard, coadministrateur du groupe ADN_Héritage_Français sur FamilyTree. Celui-ci m’expliquait tout bonnement qu’en classant mon échantillon il réalisait que nous étions cousins (par ma grand-mère maternelle) et que du côté de mon père il allait me ranger dans les familles Laberge! Un événement non parental (ÉNP) était de toute évidence responsable de ce changement dans ma lignée paternelle! Si cela semblait «tout naturel» pour lui, ça ne l’était pas pour moi! Je n’étais donc plus un Roy, mais un Laberge! Choc «génético-généalogique»! D’autant que je m’évertue depuis quelques années aux recherches soutenant l’écriture d’un roman historique sur la vie de «mon» ancêtre Antoine Roy dit Desjardins!

Bien sûr, la généalogie et la génétique sont deux disciplines distinctes, bien qu’apparentées (!). Comme me l’écrivait mon ami Pierre Le Clercq, président de la Société généalogique de l’Yonne, « … tu es véritablement un Roy, puisque ce sont eux qui ont recueilli ton ancêtre et influé sur sa vie… ». Pierre me faisait aussi remarquer que le père d’Antoine, Olivier Roy, a lui aussi été déclaré illégitime lors de son baptême et qu’il a reçu le patronyme Roy d’un homme qui n’était peut-être pas son père biologique…

La stupeur ayant fait place à la curiosité, je me suis attablé à comprendre ces résultats inattendus et à chercher où, dans mon arbre généalogique, avait bien pu se produire cette distorsion généalogique. M. Denis Savard m’a beaucoup aidé à cibler mes objets de recherche et m’a suggéré de pousser les analyses ADN un peu plus loin (Big Y de FamilyTree) afin de tenter de mieux cerner où avait pu se produire cet ÉNP…

La recherche

Selon les données ADN, l’ÉNP se serait produit à quatre ou cinq générations de ma naissance. J’ai donc identifié les ancêtres concernés avec leurs dates de conception, l’âge de leurs mères et leurs lieux de résidence lors de la conception. J’ai donc remonté mon ascendance agnatique jusqu’au fils d’Augustin Lazare Roy dit Lauzier (1723), soit Clément Roy dit Lauzier (1767-1825). En effet, M. Savard me confirmait qu’Augustin Lazare Roy avait été exclu de cet ÉNP par une triangulation génétique entre un de ses descendants et les autres Roy liés à Antoine. Il fallait donc chercher parmi ses descendants.

Mais pour être quand même rassuré, j’ai commencé par ma mère. À quatre-vingt-dix-huit ans, elle a une excellente mémoire. Elle m’a donc assuré que mon père biologique était bien celui qui était son époux et qu’aucun Laberge ne pouvait donc être responsable de cette situation. Cela réglait donc la question plus personnelle de cet ÉNP!

Voici le tableau des autres ancêtres sur lesquels je devais enquêter :

Comme on le voit, plusieurs de mes ancêtres (2, 3, 5 et 6) ont été conçus dans la période de fin d’année. Cette période était propice aux rencontres familiales et aux échanges paroissiaux. Par ailleurs, ces périodes étaient moins propices aux longs déplacements.

Pour chacun d’eux, j’ai consulté les recensements accessibles, les registres paroissiaux et provinciaux ainsi que les arbres généalogiques publics sur plusieurs sites généalogiques. J’y ai recensé toutes les familles Laberge et identifié tous les hommes en âge de procréer. J’ai aussi reconstitué les arbres généalogiques de la quinzaine de Laberge que FamilyTree et Ancestry ont lié à ma génétique. J’ai ensuite croisé ces données pour tenter d’en faire ressortir des concordances. J’aurais aimé pouvoir aussi trouver des familles, vivant près des familles Roy, qui avaient des Laberge dans leur parenté. Mais cela demandera une étude plus poussée que quelqu’un d’autre aura peut-être la patience de faire…  En effet, les noms de familles des épouses Laberge, sont très variés et couvrent un très large spectre des familles québécoises du 18e et 19e siècles. Des Laberge auraient effectivement pu visiter de la parenté du côté de leurs mères ou grand-mères, dans les villages de Cacouna, Kamouraska, La Pocatière ou Notre-Dame-du-Lac et y rencontrer les épouses des Roy…

Génération 1 : Charles Roy (1918-2000)

Mon père était enfant unique et sa mère est décédée à dix-neuf ans de la grippe espagnole. Elle vivait dans un petit village isolé du Nouveau-Brunswick, où je n’ai recensé aucun homme du nom de Laberge, et ma grand-mère s’étant mariée à dix-sept ans avec mon grand-père Ludger, son voisin, j’ai exclu cette hypothèse. Évidemment la possibilité existe et mon grand-père n’ayant pas eu d’autre enfant déclaré, il serait impossible de comparer mon ADN avec celui de cousins de cette branche. Si l’ÉNP s’est produit à cette génération, nous ne le saurons jamais. À moins que cet éventuel Laberge ait eu d’autres enfants et que ceux-ci passent des tests ADN chez FamilyTree…

Générations 2 à 6 : de Ludger à Clément

Aucun Laberge n’a été recensé dans les comtés du Témiscouata, Kamouraska et Rimouski, dans les recensements de 1851, 1881 et 1891. Malheureusement, le recensement de 1842 est très incomplet et je n’y ai recensé que onze familles Laberge «près» de Rivière-du-Loup, soit à Québec et à La Malbaie. À Québec on n’indique parfois que l’initiale du prénom qui est même illisible dans un cas. À La Malbaie, Joseph a cinq enfants, André a refusé de répondre au recenseur et la femme d’Anselme a fait de même! Il me reste du travail à faire pour cette période, mais ce recensement ne m’a pas beaucoup aidé.

Dans le recensement de 1881[1], plusieurs jeunes hommes Laberge sont qualifiés de «voyageurs». Lors de ce recensement, on attribuait le terme voyageur aux personnes absentes du foyer qui étaient fort probablement au travail à l’extérieur et qui comptaient revenir dans ce même foyer. Il s’agit sans doute de travailleurs saisonniers (bûcherons, journaliers et autres) ou encore de marchands itinérants. Un de ces jeunes hommes aurait évidemment pu croiser la mère de mon grand-père à Notre-Dame-du-Lac, lieu de passage de plusieurs travailleurs de la forêt situé entre le Québec, le Maine et le Nouveau-Brunswick.

J’ai donc consulté des centaines d’occurrences, dans ces recensements, pour les comtés de Montmagny-L’Islet, Québec, L’Ange-Gardien et Charlevoix. Parmi ces Laberge, j’ai porté attention à ceux qui apparaissent dans les généalogies  d’au moins une des personnes qui me sont liées génétiquement selon FamilyTree ou Ancestry. Pour ce faire, j’ai dû reconstituer les généalogies complètes de ces personnes. Ces liens mènent évidemment aux mêmes ancêtres que sont les trois fils de Robert Laberge et Françoise Gausse, soit François (1669), Nicolas (1672) et Guillaume (1674).

Tableau des hommes Laberge, en âge de procréer (20 à 50 ans), ayant été recensés dans un rayon de 200 km des familles Roy concernées.

Hypothèses temporaires, suite à cette première vague de recherches.

Je ne ferai pas ici le compte rendu de toutes les recherches, analyses et hypothèses que j’ai faites depuis l’automne 2021. Mais, pour l’instant, compte tenu du peu de données ADN disponibles concernant les Roy et les Laberge, voici les premières hypothèses sur lesquelles je poursuis mon travail de recherches, principalement du côté des contrats notariés et des histoires familiales publiées.

  1. Pour les tests ADN disponibles sur FamilyTree et Ancestry, 93% de mes liens génétiques avec des Laberge, mènent à Guillaume Laberge (1674-1729). Le reste mène à Nicolas Laberge (1672-1700); aucun ne mène au troisième fils de Robert Laberge, François.
  2. Si l’ÉPN concerne Clément Roy dit Lauzier (1767-1835), sept hommes Laberge vivaient «à proximité» d’Angélique Lizotte (1732-1817) lors de la conception de Clément. Angélique avait alors trente-cinq ans, était mariée depuis quatorze ans et Clément était son huitième enfant. Le premier suspect est Nicolas Laberge (1719), lui-même descendant de Nicolas fils de Robert; âgé alors de quarante-huit ans, il était bien établi comme cultivateur près de Montmagny. Les six autres hommes sont des descendants de Guillaume Laberge et vivent à l’Ange-Gardien. Trois étaient fils d’un autre Charles Laberge (1699-1759) qui exerçait les métiers de cultivateur et de voiturier. À ce titre, il convoyait personnes et marchandises, sans doute en bateau, le long des côtes du Québec d’alors. Lui et ses fils auraient donc pu se déplacer vers La Pocatière et avoir des contacts avec Angélique. Ceci ajoute trois suspects possibles : Charles (1728), Jacques (1739) et Pierre (1745). Les trois autres hommes possibles sont des hommes bien établis, mariés et pères de plusieurs enfants.
  3. Si l’ÉPN concerne Clément Roy dit Desjardins (1790-1871), près d’une vingtaine de Laberge auraient pu côtoyer sa mère, Marie-Anne Gagnon (1768-1856), qui avait alors vingt-deux ans et était mariée depuis à peine deux ou trois mois lors de la conception de ce premier enfant, Clément. Parmi tous ces Laberge, deux sortent du lot à cause de leurs mariages tardifs. Louis Laberge (1757-1834) avait trente-deux ans lors de la conception de Clément. Célibataire, il ne s’est marié qu’en 1795, avec une célibataire de trente-trois ans, avec qui il a eu quatre enfants vivants. Joseph Laberge (1767-1822) avait environ vingt-deux ans lors de la conception de Clément. Il épousera une veuve de vingt-sept ans, sans enfants, en 1801, à l’âge de trente-quatre ans et ils auront plus de dix enfants ensemble. Un autre suspect est François Laberge (1769-1838). Il a presque vingt-et-un ans lors de la conception de Clément. On ne trouve aucune trace de lui avant 1797 à St-Hyacinthe où il épouse, à vingt-huit ans et en premières noces, une jeune fille de dix-neuf ans.

Conclusion

J’ai retenu l’idée que l’événement non parental dans mon arbre généalogique s’était produit à la cinquième génération. Mon père, mon grand-père, son grand-père et le père de celui-ci, ne me semblaient pas offrir les conditions propices à ce genre d’événement compte tenu de plusieurs éléments trop longs à expliquer ici. Évidemment, on ne peut exclure à priori l’hypothèse que l’ÉPN se soit produit lors de leurs naissances. Tout comme toutes les pistes évoquées ici ne sont peut-être que pures spéculations totalement fausses! Si vous êtes un homme, descendant direct des fils d’Augustin (1723), des fils des Clément (1767 et 1790), ou des familles Laberge citées ci-dessus, je vous encourage à passer un test chez FamilyTree-DNA (Y-37 au minimum). Si vous voulez tout simplement aider à élucider ce mystère, vous pouvez aussi contribuer en commanditant des tests pertinents par le projet Héritage Français (bouton Donate au https://www.familytreedna.com/groups/frenchheritage/about), en prenant soin d’indiquer que les fonds sont destinés à l’étude de la «lignée Laberge dite Roy à Clément».

D’ici à ce que plus de tests de Roy et Laberge soient disponibles dans les bases de données ADN,  je poursuis en parallèle mes recherches sur ces Laberge qui ont perturbé mon arbre généalogique, tout en continuant l’écriture romancée de la vie d’Antoine Roy dit Desjardins, MON ancêtre! Jusqu’à preuve du contraire…

Louis Roy, Mars 2022

NOTES SUPPLÉMENTAIRES

Selon le PRDH, voici les descendants des ancêtres potentiellement concernés par cet événement non parental:

Fils d’Augustin Roy Desjardins dit Lauzier (1723) : Joseph-Augustin (1754), Etienne Benoît (1759), Prosper (1762), Clément (1767), Jean-Marie (1769), Pierre Nicolas (1772) et Jean-Baptiste (1775).

Fils de Clément Roy dit Lauzier (1767) : Clément (1790), Pierre-Antoine (1795), Augustin (1798), Stanislas Wenceslas (1800), Joseph Prudent (1802), Fulgence (1804) et Etienne (1807).

Fils de Clément Roy dit Desjardins (1790) : Clément (1813), Thomas (1818), Robert (1823), Jean Anthime (1825), Bruno (1826), Edouard Elzéar (1832) et Charles Félix (1837).

Fichiers ADN chez ANCESTRY:

Vous pouvez transférer chez FamilyTree le résultat de votre test ADN effectué chez Ancestry. Cependant il s’agit d’un test autosomal seulement et il ne permet pas de distinguer les variations sur le chromosome masculin Y. Les hommes qui font ou transfèrent leur test chez FamilyTree, peuvent ensuite acheter une analyse DNA-Y 37 (au minimum) pour vérifier une possible appartenance à la lignée Roy ou Laberge.

Tests ADN les plus fréquents sur le marché américain:

L’analyse autosomale de l’ADN (test autosomal DNA) permet de relier votre ADN aux personnes qui sont parentes avec vous, du côté de votre mère ou de votre père (c’est le cas du test offert chez Ancestry). L’analyse mitochondriale de l’ADN (mtDNA test)  permet de cibler les personnes qui vous sont apparentées de par votre mère seulement (matrilinéaire). L’analyse du chromosome Y, chez les hommes, (Y DNA test) permet de cibler les personnes qui vous sont apparentées de par votre père seulement (patrilinéaire). Voir, entre autres, Wikipedia Test ADN généalogique.

CONFIDENTIALITÉ ADN

L’utilisation des bases de données génétiques ne sera jamais à l’abri d’une utilisation autre, par les gouvernements ou les pharmaceutiques par exemple. Chez FamilyTree DNA, votre analyse n’est identifiée que par un numéro, lié à une adresse de courriel et une adresse physique. Cela ne garantit pas tout évidemment. C’est une question très débattue dans le monde généalogique et chacun évalue le «risque» qu’il est prêt à assumer pour faire des liens génétiques avec sa généalogie…

Paru originellement dans: Article Les Souches Vol 27 No 1 2022 Un Roy est il nécessairement un Roy ?

[1] Le recensement de 1881 a débuté en avril 1881. Les chantiers en forêt étaient encore en activité à cette date.

Centenaire de la Confédération des syndicats nationaux vendredi 24 septembre 2021

Les 100 ans de la CSN

Lier travail et société dans un monde menacé

  • Une base catholique

La Confédération des syndicats nationaux (CSN), anciennement la CTCC (Confédération des travailleurs catholiques du Canada), souligne cette année son centième anniversaire. Née de la volonté des édiles catholiques du début du XXe siècle, cette association de travailleurs répondait aux appels de l’encyclique du pape catholique Léon XIII en 1891. Première incursion du Vatican dans le monde industriel du libéralisme économique capitaliste, cette «lettre aux chrétiens», Rerum novarum (nouvel ordre des choses), cherchait à réguler un tant soit peu les relations entre patrons et ouvriers à une époque où l’industrialisation déstructurait le tissu social occidental. Elle se voulait aussi une alternative aux syndicats socialistes ou communistes qui étaient alors les seuls à revendiquer plus de justice pour les opprimés du capitalisme.

Ici, au Québec, cet appel à l’organisation de regroupements catholiques d’ouvriers fut entendu par les élites religieuses qui voulaient promouvoir la doctrine sociale de l’Église, protéger le nationalisme catholique et contrer le syndicalisme étranger, fortement inspiré par le socialisme de l’entre-deux guerres (1918-1940). Une seconde encyclique, Quadragesimo anno (Quarante ans plus tard), parue en 1931 sous le règne du pape Pie XI, venait poser une autre pierre à ce que deviendrait la CSN. Le principe de subsidiarité, visant entre autre à ramener les décisions à la base des organisations, allait raffermir le rôle des syndicats locaux, libres et autonomes, mettre en lien les regroupements régionaux, les Conseils centraux calqués sur les diocèses catholiques, et donner du corps aux regroupements sectoriels, les fédérations professionnelles de la CSN. Ce sont là les trois chaînons solidaires du logo de la CSN.

  • Une vision socialiste

Après la fin de la deuxième guerre mondiale, en 1946, Gérard Picard, un président d’une importance capitale pour la CSN, prépara et réalisa une transformation radicale du syndicalisme québécois. D’abord novice chez les Pères Blancs, puis journaliste, syndicaliste et avocat, il restera un catholique convaincu mais résolument tourné vers l’avenir. C’est lui qui mit en place les conditions qui allaient conduire la CSN vers un syndicalisme de combat, laïc, dont les figures de proue furent plus tard Marcel Pépin, Pierre Vadeboncoeur et Michel Chartrand. Le syndicalisme CSN élargissait son champ d’action, passant du contrat de travail au contrat social, sublimant les volontés exposées en filigrane dans les deux encycliques papales tout en sortant du carcan catholique et de sa vision idyllique des classes sociales.

La CSN aura marqué le paysage ouvrier du Québec, le faisant passer du syndicalisme «de bonne entente» à celui de revendication ouvrière et sociétale. Dans les années 1970 et ’80, la CSN se voulait le «fer de lance du syndicalisme de combat» en Amérique. De son côté, le syndicalisme ouvrier international et principalement américain est né d’une volonté socialiste, mais il a souvent fait le cheminement inverse, devenant corporatiste, parfois même mafieux, délaissant jusqu’à il y a peu une vision sociale plus globale. Quant au syndicalisme corporatiste, il est resté fidèle à lui-même, ne visant qu’à consolider ou améliorer les conditions de ses membres, parfois au détriment des autres titres d’emplois et même de la société. Et, avouons-le, toutes ces «dérives» ont existé ou existent encore dans plusieurs organisations syndicales…

  • Un avenir collectif

Pour la CSN, comme pour les autres, le XXIe siècle amène des défis aussi grands que lors de l’arrivée du libéralisme économique il y a cent ans. Les bouleversements climatiques, les niveaux d’endettement personnels et collectifs, l’exaspération des peuples envers leurs élus et envers leurs propres organisations civiles, la monté délirante des opinions fragmentées par les média sociaux et l’indifférence accrue envers «l’autre», représentent une somme considérable de combats qui mériteraient un leadership syndical fort et organisé.

Le syndicalisme de la CSN doit se conjuguer aux temps modernes que sont les revendications légitimes des minorités quelles qu’elles soient, de celles des femmes, toujours exploitées depuis des siècles, des réfugiés politiques ou climatiques, des nations opprimées ou l’ayant été et, bien sûr, des travailleuses et travailleurs d’usines, d’institutions, autonomes ou non. La CSN doit être «éveillée» face aux injustices, tout en restant un pôle d’attraction collectif. La CSN doit lutter contre l’obscurantisme, la rectitude politique, la censure et l’individualisation des revendications. La CSN doit soutenir toutes les luttes progressistes qui cherchent à améliorer le vivre ensemble. La CSN doit faire de la lutte aux bouleversements climatiques SA priorité pour l’intégrer dans le concret des conditions de travail, de la santé et de la sécurité de toutes et tous, des conditions d’existence des lieux de travail et de la finalité même du travail. La CSN doit promouvoir la jonction des forces progressistes et ouvrières. S’il doit y avoir un dialogue social, il doit dépasser les associations patronales ou politiques pour se concentrer sur le dialogue et la solidarité à la base de la société, de ses composantes locales, régionales et professionnelles. Ces trois chainons du logo de la CSN sont toujours d’actualité même cent ans plus tard!

Longue vie à la CSN!

Paru dans La Presse: https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2021-09-24/longue-vie-a-la-confederation-des-syndicats-nationaux.php?fbclid=IwAR045KcbBEpej2QNKnkArHz5R7Zv8S9jLL_ZOVOilCKLmmh930LVkB0RQj8

Et dans Le Devoir: https://www.ledevoir.com/opinion/idees/635091/syndicalisme-la-csn-a-100-ans?fb_news_token=clMjEgPFNouzfV1k6y1mCg%3D%3D.lbR6BKLc0hRXw7mMrv5L14RELW2hRr8PkMy%2Bgp7w2qoS5Wiuky54R6a3d98qs2%2F1txERFwv8ePkDoZC15SgGqardaR%2FUeHtYRJMW7R%2FKOwTncIP9UCwIcyE%2BsITtXXUnWZxcmVWnoXMmwyWrQAKpKF7Cu7ClfMGcStuahEunbW9eeAPLN%2FODfiXPF7H3TSdW6a5Dc20oMWR32yBk45hF6ibYJiDYLcnTcWnROvT92ZijuUlwsd64znA9OsVbLkxquE9V8gEIV0YLmotehCZfqqpe%2FEFQ5NjOLDYzbla59sP2ZYdRODGjH13S%2FshB%2FBsRP%2BjMv2f%2FqkFWCyPiEC4xWsj1LwLuVo8NvKKT79HpaR82MsahollMjkxNFZlfxV2Hu1mAJauKMnXGJaW4%2BdOpUBXTbrCxl6rcD06fmNdMVsQ%3D&fbclid=IwAR2F3wgbQ9RfHf0pmvBfMw7mSMXVobiaOoy9RI-b9Uo83wM-3ukHAW95s4U

Arbitrage électronique au tennis professionnel

Tennis électronique?

J’ai eu le plaisir d’assister, la semaine dernière, au tournoi de tennis féminin organisé par Tennis Canada à Montréal. La pandémie a changé beaucoup de choses dans les festivals, spectacles et activités extérieures : masques, stades à moitié vides, restauration quasi inexistante, proximité réduite avec les autres spectateurs et les joueuses, etc. Curieusement, ce qui m’a le plus dérangé dans ce tournoi de tennis ce sont les cris d’orfraie du système automatique de jugement de lignes!

Comme Obélix et la fameuse potion magique, je suis tombé dans le tennis extérieur dès mon plus jeune âge. Mon père, ma mère, mon frère et ma sœur ont joué au tennis. Et qu’on ne vienne pas me dire que c’est un sport de riches, car ma famille ne l’a jamais été! J’ai donc passé une grande partie de mon adolescence à jouer, enseigner, arbitrer, compétitionner et même entretenir des terrains de tennis. Dès que j’ai pu, je suis devenu un abonné du tournoi de Montréal et je rêve encore d’aller voir des matchs à Wimbledon, Roland Garros et Flushing Meadows!

Bien que le tennis professionnel soit devenu un cirque-spectacle, il n’en demeure pas moins que les matchs de tournois, eux, sont demeurés les mêmes affrontements qu’il y a cent ans. Deux ou quatre joueuses doivent démontrer habilité, ténacité et constance pour pouvoir jouer un autre match en espérant gagner la finale où gloire et admiration constituent la récompense ultime. Évidemment, bien des choses ont changé depuis que j’ai gagné mon dernier trophée de douze centimètres de haut en bois et en métal doré! L’entraînement des joueuses, les raquettes et surtout la récompense pécuniaire ne sont plus les mêmes…

À Montréal du moins, il y avait une chose qui n’avait pas encore changé, l’arbitrage des matchs. En fait il faudrait plutôt parler de la façon dont on juge les balles pour savoir si elles sont tombées sur le terrain ou à l’extérieur des lignes qui le délimitent. Pandémie oblige, on a remplacé les humains qui, dans un travail de concentration extrême, jugeaient les balles qui côtoyaient les lignes de très près. Un travail de plus en plus difficile compte tenu de la rapidité  folle que les joueuses donnent à ces balles, martelées avec des raquettes devenues des armes de précision et de balistique explosive.

Au lieu des gestes convenus et des appels somme toute assez discrets que nous donnaient ces juges de lignes, on a eu droit à des cris automatisés reliés à un logiciel analysant les images des multiples caméras fixes qui balisent maintenant le terrain. Une forme d’intelligence artificielle dont le mot «artificiel» est la principale caractéristique, malheureusement. Une partie de tennis, jouée à l’extérieur, est influencée par de multiples facteurs humains et naturels : le soleil, le vent, la chaleur, la pluie, la fatigue, la concentration, l’attitude des gens qui assistent au match, etc. L’arbitre et les juges de ligne font aussi partie de l’expérience humaine du match. Leurs voix, leur attitude, leur habilité colorent le match pour le meilleur et parfois pour le pire. Ils forment une variable humaine qui bonifie l’expérience d’assister à ce spectacle passionnant qu’est le tennis professionnel. Or, la semaine dernière, on a plutôt eu droit à une expérience robotisée d’arbitrage, un genre de mauvais jeu vidéo. Même l’arbitre de chaise n’a jamais osé contredire la machine qui pourtant a de toute évidence commis quelques erreurs, rendant parfois son verdict après de longues millisecondes qui parurent des éternités. Et que dire de ces abominables cris toujours pareils, parfois inutiles, parfois absents et constamment vides d’humanité!

J’aime le tennis comme j’aime le théâtre, avec une part d’inconnue, d’imprévisibilité et de suspense. Les juges de lignes, qu’on a remplacées par des robots, faisaient partie de cet ensemble qui rend le spectacle encore plus intéressant. De grâce, revenez-nous l’an prochain avec plus d’humanité dans l’arbitrage et moins d’artificiel, fasse-t-il moins d’erreurs!

Paru dans Le Devoir du 17 août 2021 https://www.ledevoir.com/opinion/idees/625335/tennis-electronique

et dans La Presse du 17 août 2021 https://plus.lapresse.ca/screens/2a4ba27a-9a1d-48d6-a815-74196af7ff68__7C___0.html?utm_content=facebook&utm_source=lpp&utm_medium=referral&utm_campaign=internal%20share&fbclid=IwAR0eJ7rgchCtqL922tY1SbJxecT20E4uxuK5sFusfXNKOrqExrftBuvqTm8

Contamination par aérosols de la Covid-19

Il est grand temps que l’INSPQ admette la transmission par aérosols de la Covid-19 et agisse en conséquence en protégeant mieux les travailleuses de la santé, de l’éducation et des services de garde!

The Lancet, 15 avril 2021 : Ten scientific reasons in support of airborne transmission of SARS-CoV-2

Par: Trisha Greenhalgh, Jose L Jimenez, Kimberly A Prather, Zeynep Tufekci, David Fisman et Robert Schooley

[Traduction libre…] Document original : Ten scientific reasons in support of airborne transmission of SARS-CoV-2 – The Lancet

L’examen systématique de Heneghan et de ses collègues, financé par l’OMS, publié en mars 2021 et en pré impression, indique : « L’absence d’échantillons récupérables de culture virale du SRAS-CoV-2 empêche de tirer des conclusions fermes sur la transmission aéroportée ».‎1‎ Cette conclusion, ainsi que la large diffusion des conclusions de l’examen, sont préoccupantes en raison des répercussions sur la santé publique.‎

‎Si un virus infectieux se propage principalement par de grandes gouttelettes respiratoires qui tombent rapidement, les principales mesures de lutte sont la réduction du contact direct, le nettoyage des surfaces, les barrières physiques, la distanciation physique, l’utilisation de masques à distance de gouttelettes, l’hygiène respiratoire et le port d’une protection de haute qualité uniquement pour les procédures de soins de santé dites génératrices d’aérosols. De telles politiques n’ont pas besoin de faire la distinction entre l’intérieur et l’extérieur, puisqu’un mécanisme de transmission par gravité serait semblable pour les deux paramètres. Mais si un virus infectieux est principalement en suspension dans l’air, une personne pourrait être infectée lorsqu’elle inhale des aérosols produits lorsqu’une personne infectée expire, parle, crie, chante, éternue ou tousse. Pour réduire la transmission aérienne du virus, il faut prendre des mesures pour éviter l’inhalation d’aérosols infectieux, y compris la ventilation, la filtration de l’air, la réduction de l’encombrement et du temps passé à l’intérieur, l’utilisation de masques à l’intérieur, l’attention portée à la qualité et à l’ajustement des masques et une protection de qualité supérieure pour le personnel de santé et les travailleurs de première ligne.‎2 ‎ La transmission aérienne de virus respiratoires est difficile à démontrer directement.‎3

‎Les résultats mitigés d’études qui visent à détecter un agent pathogène viable dans l’air ne sont donc pas des motifs suffisants pour conclure qu’un agent pathogène n’est pas en suspension dans l’air si l’ensemble des preuves scientifiques indiquent le contraire. Des décennies de recherches minutieuses, qui n’incluaient pas la capture d’agents pathogènes vivants dans l’air, ont montré que les maladies autrefois considérées comme propagées par les gouttelettes sont en suspension dans l’air.‎4‎ Dix sources de données appuient collectivement l’hypothèse selon laquelle le SRAS-CoV-2 est transmis principalement par la route aérienne.‎5

Premièrement, les événements de contagion élevée s’expliquent par une transmission importante du SRAS-CoV-2; en effet, de tels événements peuvent être les principaux moteurs de la pandémie.‎6‎ Des analyses détaillées des comportements et des interactions humaines, de la taille des pièces, de la ventilation et d’autres variables dans les concerts de chorales, les navires de croisière, les abattoirs, les foyers de soins et les établissements correctionnels, entre autres, ont montré des modèles, par exemple, la transmission à longue portée et la dispersion élevée du nombre de reproduction de base (R‎ 0‎), discuté ci-dessous , compatible avec la propagation aérienne du SRAS-CoV-2 qui ne peut pas être adéquatement expliquée par des gouttelettes ou des vecteurs passifs.‎6‎ L’incidence élevée de tels événements suggère fortement la dominance de la transmission d’aérosols.‎

Deuxièmement, la transmission à longue portée du SRAS-CoV-2, entre les personnes vivant dans des chambres adjacentes, mais jamais en présence de l’autre, n’a été documentée dans les hôtels de quarantaine.‎7‎ Historiquement, il n’était possible de prouver la transmission à longue portée qu’en l’absence totale de transmission communautaire.‎4

‎Troisièmement, la transmission asymptomatique ou pré symptomatique du SRAS-CoV-2, par des personnes qui ne toussent pas ou n’éternuent pas, est susceptible de représenter au moins un tiers, et peut-être jusqu’à 59 %, de toute transmission à l’échelle mondiale et est un moyen clé de propagation du SRAS-CoV-2 dans le monde entier,‎8‎ d’un mode de transmission principalement aéroporté. Les mesures directes montrent que parler produit des milliers de particules d’aérosol et peu de grosses gouttelettes,‎9‎ qui prennent la voie aérienne.‎

Quatrièmement, la transmission du SRAS-CoV-2 est plus élevée à l’intérieur qu’à l’extérieur‎10‎ et est considérablement réduite par la ventilation intérieure.‎5‎ Les deux observations soutiennent une voie de transmission principalement aéroportée.‎

Cinquièmement, les infections nosocomiales ont été documentées dans les organisations de soins de santé, où il y a eu des précautions strictes en matière de contact et de gouttelette et l’utilisation d’équipement de protection individuelle (EPI) conçu pour se protéger contre l’exposition aux gouttelettes, mais pas aux aérosols.‎11

Sixièmement, un SRAS-CoV-2 viable a été détecté dans l’air. Dans le cadre d’expériences en laboratoire, le SRAS-CoV-2 est resté infectieux dans l’air jusqu’à 3 h avec une demi-vie de 1·1 h.‎12‎ Le SRAS-CoV-2, toujours viable, a été identifié dans des échantillons d’air provenant de pièces occupées par des patients covid-19 en l’absence de procédures de soins de santé génératrices d’aérosols‎13‎ et dans des échantillons d’air de la voiture d’une personne infectée.14‎ Bien que d’autres études n’aient pas permis de saisir le SRAS-CoV-2 viable dans les échantillons d’air, il faut s’y attendre. L’échantillonnage du virus en suspension dans l’air est techniquement difficile pour plusieurs raisons, y compris l’efficacité limitée de certaines méthodes d’échantillonnage pour la collecte des particules fines, la déshydratation virale pendant la collecte, les dommages viraux dus aux forces d’impact (entraînant une perte de viabilité), la ré-aérosolisation du virus pendant la collecte et la rétention virale dans l’équipement d’échantillonnage.‎3‎ La rougeole et la tuberculose, deux maladies principalement aéroportées, n’ont jamais été cultivées dans l’air d’une pièce.‎15

‎Septièmement, le SRAS-CoV-2 a été identifié dans les filtres à air et les conduits d’aération dans les hôpitaux avec des patients atteints de COVID-19; ces emplacements ne pouvaient être atteints que par des aérosols.‎16

‎Huitièmement, des études portant sur des animaux en cage, infectés, qui étaient reliés à des animaux non infectés en cage séparée par l’intermédiaire d’un conduit d’air ont montré une transmission du SRAS-CoV-2 qui ne peut être expliquée adéquatement que par des aérosols.‎17

‎Neuvièmement, aucune étude, à notre connaissance, n’a fourni de preuves solides ou cohérentes pour réfuter l’hypothèse d’une transmission aéroportée du SRAS-CoV-2. Certaines personnes ont évité l’infection par le SRAS-CoV-2 lorsqu’elles ont partagé de l’air avec des personnes infectées, mais cette situation pourrait s’expliquer par une combinaison de facteurs, y compris la variation de la quantité d’excrétion virale entre les personnes infectieuses par plusieurs ordres de grandeur et différentes conditions environnementales (en particulier de ventilation).‎18‎ Les variations individuelles et environnementales signifient qu’une minorité de cas primaires (notamment les individus qui excédent des niveaux élevés de virus à l’intérieur, des environnements surpeuplés avec une mauvaise ventilation) représentent la majorité des infections secondaires, ce qui est étayé par des données de recherche de contacts de haute qualité provenant de plusieurs pays‎19, 20‎.Une grande variation de la charge virale respiratoire du SRAS-CoV-2 balaie les arguments selon lesquels le SRAS-CoV-2 ne peut pas être en suspension dans l’air parce que le virus a un R plus faible‎‎ (estimé à environ 2·5)‎21‎, rougeole (estimée à environ 15),‎22‎ d’autant plus que R‎ 0‎, qui est une moyenne, ne tient pas compte du fait que seule une minorité d’individus infectieux perdent de grandes quantités de virus. La dispersion élevée de R‎ 0 est bien documenté dans la COVID-19.‎23

‎Dixièmement, il y a peu de preuves à l’appui d’autres voies dominantes de transmission, c’est-à-dire la gouttelette respiratoire ou le vecteur passif (fomite) ‎9 , 24‎ . La facilité d’infection entre les personnes proches les unes des autres a été citée comme preuve de la transmission respiratoire des gouttelettes du SRAS-CoV-2. Cependant, la transmission à proximité dans la plupart des cas ainsi que l’infection lointaine pour quelques-uns lors du partage de l’air est plus susceptible de s’expliquer par la dilution des aérosols expirés avec la distance d’une personne infectée.‎9‎ L’hypothèse erronée selon laquelle la transmission par proximité implique de grandes gouttelettes respiratoires ou vecteurs passifs (fomites) a toujours été utilisée pendant des décennies pour nier la transmission aérienne de la tuberculose et de la rougeole15 25‎ . Cela est devenu un dogme médical, ignorant les mesures directes des aérosols et des gouttelettes qui révèlent des défauts tels que le nombre écrasant d’aérosols produits dans les activités respiratoires et la limite arbitraire de la taille des particules de 5 μm entre les aérosols et les gouttelettes, au lieu de la limite correcte de 100 μm‎1525‎ . On soutient parfois que puisque les gouttelettes respiratoires sont plus grosses que les aérosols, elles doivent contenir plus de virus. Toutefois, dans les maladies où les concentrations d’agents pathogènes ont été quantifiées par la taille des particules, les aérosols plus petits présentaient des concentrations pathogènes plus élevées que les gouttelettes lorsque les deux ont été mesurées.‎15

‎En conclusion, nous proposons qu’il s’agit d’une erreur scientifique d’utiliser l’absence de preuves directes du SRAS-CoV-2 dans certains échantillons d’air pour jeter le doute sur la transmission aérienne tout en négligeant la qualité et la solidité de la base globale de données probantes. Il existe des preuves solides et cohérentes que le SRAS-CoV-2 se propage par transmission aérienne. Bien que d’autres itinéraires puissent y contribuer, nous croyons que la route aérienne est susceptible d’être dominante. Le milieu de la santé publique devrait agir en conséquence et sans plus tarder.‎

References:

TG’s research is funded by the National Institute for Health Research ( BRC-1215-20008 ), Economic and Social Research Council ( ES/V010069/1 ), and Wellcome ( WT104830MA ). JLJ is supported by the US National Science Foundation ( AGS-1822664 ). KAP is supported by the US National Science Foundation Center for Aerosol Impacts on the Chemistry of the Environment (CHE-1801971). DF is funded by the Canadian Institutes for Health Research (2019 COVID-19 rapid researching funding OV4-170360). RS is supported by the National Institute of Allergy and Infectious Diseases (AI131424). We declare no other competing interests.

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Article Info: The Lancet, April 15, 2021

Identification: DOI: https://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)00869-2

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Une commission d’enquête sur les CHSLD ?

On parle de plus en plus d’une possible commission d’enquête sur les centres d’hébergement pour personnes âgées, en réponse aux multiples ratées survenues pendant la pandémie de coronavirus COVID-19. Mais de quoi parlera-t-on au juste? D’une commission dont le rapport est déjà voué aux tablettes poussiéreuses de l’histoire ou dont le rapport est déjà «écrit» dans la tête de nos dirigeants? D’une commission «complaisante», composée de personnes vouées à la continuité fondamentale du système actuel? Ou bien veut-on vraiment changer les choses et organiser des soins de qualité pour les personnes plus âgées qui ont besoin de services à domicile ou en établissement?

J’ai suivi toutes les réformes du réseau de la santé depuis plus de quarante ans et j’ai vu des commissions proposer parfois des aberrations tout comme de bonnes idées. J’ai surtout vu des propositions prôner sans vergogne la privatisation des services, ou encore leur supposée socialisation vers des organisations sous financées du communautaire ou non. D’ailleurs, plusieurs personnes ayant promu ces idées reviennent aujourd’hui mousser publiquement leurs idées, prétextant que si on les avait écoutées vraiment, il y aurait eu moins de problèmes durant cette crise. Avec des si…

Puisque je ne serai certainement pas approché pour faire partie de cette commission, je me permets de faire quelques suggestions. D’abord, il faut rejeter l’idée d’exclure a priori des personnes associées à des groupes de pression. Je pense entre autres au Conseil pour la protection des malades ou à des organisations syndicales représentant tous les titres d’emplois en milieu hospitalier, centres d’hébergement et à domicile. Et oui, je prêche pour ma paroisse, mais la CSN représente toutes ces travailleuses depuis les années 1960! Il faut aussi songer sérieusement à inviter un médecin qui œuvre à domicile et en CHSLD; l’ancienne association de médecins en CLSC pourrait sans doute proposer des noms très intéressants.

Il faut aussi intégrer quelques personnes qui connaissent bien les méandres du réseau : soit d’anciens hauts fonctionnaires «fonctionnels», soit des directrices générales de CHSLD en fonction ou à la retraite, ayant démontré des capacités d’innovation ou de réaction rapide et efficace lors de la pandémie. Finalement, il faut adjoindre à ces personnes des chercheurs universitaires de haut niveau dans ce domaine; soit des «penseurs universitaires» tel Damien Contandriopoulos par exemple, soit des «chercheurs terrain», souvent médecins-gériatres et professeurs à l’université.

Depuis des années, nous savons que le meilleur système de maintien et de soins à domicile, tout comme en institution, doit être un service public offert sans discrimination économique. Il doit aussi être organisé dans la communauté et mettre en place des mécanismes de détection, de prévention, ainsi que des services de maintien et de soins donnés par du personnel bien formé, bien rémunéré et travaillant dans des équipes multidisciplinaires. Et comme on l’a vu cet hiver, il faut des organisations flexibles, capables de développer rapidement une réaction intelligente et ordonnée face à une crise appréhendée, mais imprévisible. Sans tout cela, un changement ne sera que cosmétique.

27 mai 2020

Publié dans Le Devoir le 3 juin 2020 https://www.ledevoir.com/opinion/idees/580079/propositions-pour-une-commission-d-enquete-sur-les-centres-d-hebergement